Vingt cinq mesures proposées lors des états généraux infirmiers
Les états généraux des infirmiers se sont déroulés le 1er octobre dernier, à Paris dans le 13e arrondissement.
Alors que 33 organisations étaient attendues, ce sont finalement 34 organisations professionnelles qui étaient présentent, avec pour but général de revaloriser globalement la profession. Durant ces huit heures de débat jeudi dernier, 25 propositions ont finalement été prononcées et seront présentées aux parlementaires pour qu’ils déposent des amendements les prenant en compte au cours de l’examen de projet de loi de financement de la sécurité sociale 2021 (PLFSS) prévu en décembre prochain.
Ce sont quatre orientations principales qui ont été discutées ce 1er Octobre :
· L’augmentation du niveau d’autonomie et de responsabilité ;
· La mise en place d’un système patient centré et plus médico-centré ;
· La revalorisation des niveaux de rémunération sans contrepartie ;
· L’amélioration des conditions de travail.
Le premier recours
Parmi les 25 propositions, 3 sont consacrés à l’infirmier de premier recours. Antoinette Tranchida (présidente de l’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux ONSIL) nous explique : « Le premier recours, c’est l’accès direct du patient à l’infirmier », ce qui signifie qu’il est possible de se passer de la prescription médicale pour certains actes et certaines activités infirmières. Le premier recours est en effet acte courant dans la profession infirmière, tel que l’infirmière scolaire qui délivre certains médicaments aux élèves ou l’infirmière libérale qui administre les premiers soins à un patient ayant chuté.
La situation
Ces états généraux semblent, en plus de vouloir faire adopter leurs idées, vouloir avertir de la situation quant au métier d’infirmier et son avenir. Thierry Amouroux (porte-parole du syndicat infirmier SNPI CFE-CGC) s’exprime : « Aujourd’hui, les jeunes fuient le métier parce qu’ils savent qu’ils ne tiendront pas 42 ans à ce rythme ». Antoinette Tranchida et Tatiana Henriot (présidente de l’Union nationale des infirmiers en pratique avancée (Unipa) restent plus mesurées, mais affichent la même crainte : « beaucoup d’infirmiers ne croient plus en ce métier, et s’ils n’y croient plus on va vers une autre catastrophe sanitaire qui sera le manque de soignants » et « Aujourd’hui, nous sommes une profession sur laquelle on ne s’appuie pas, dont on gaspille l’expertise »
La liste exhaustive des propositions est la suivante :
1 – Modifier le Code de la Santé publique, pour que l’infirmier ne soit plus « auxiliaire médical », mais professionnel de santé à part entière. Les compétences de l’IDE lui permettent de réaliser un raisonnement clinique, et de mener des consultations infirmières.
2 – Pour favoriser le maintien à domicile des personnes âgées, instituer une consultation infirmière d’évaluation et de coordination du parcours de santé (analyse de la situation de la personne, bilan vaccinal, planification des besoins et des interventions nécessaires).
3 – Pour décharger les services d’urgences, instituer une consultation infirmière de premier recours pour la prise en charge des affections bénignes, ou des petites plaies. Avec réorientation si besoin vers le médecin généraliste ou spécialiste.
4 – Pour favoriser la lutte contre la douleur, et réduire les risques de l’automédication, autoriser la prescription infirmière des antalgiques mineurs en vente libre. Inscrire dans le Code de santé publique la capacité de l’infirmière de l’Education nationale à administrer de sa propre initiative les médicaments non soumis à prescription médicale.
5 – Élargir la prescription infirmière du matériel nécessaire à l’autonomie (par exemple lits médicalisés, matériel anti-escarres, déambulateur …) et permettre la prescription de dispositifs de soutien à l’allaitement par les IPDE.
6 – Afin d’assurer la qualité et la sécurité des soins, dans les établissements de santé public ou privé, un ratio de patients par infirmier doit être déterminé pour chaque type de service, afin d’intégrer la charge en soins. Les normes d’infirmiers par lits ne concernent aujourd’hui que les services de réanimation, de dialyse, des grands brûlés, de néonatalogie, des SSPI, des soins intensifs cardiologiques. SMUR et interventions de chirurgie cardiaque sont aussi normés.
7 – Réingénierie des formations des spécialités infirmières et des cadres de santé. Les formations des IBODE, IPDE et cadres de santé doivent être harmonisées et reconnues master afin d’intégrer les préconisations de la commission européenne : 120 ECTS, durée de formation de 2 années.
8 – Optimiser la transversalité et la mobilisation des ECTS dans les parcours de formation universitaires. Afin de favoriser l’interdisciplinarité, les programmes d’enseignement sont certifiés. Les contenus des unités d’enseignement sont identifiés et valident des ECTS. Ceux-ci restent acquis, transférables et mobilisables tout au long du parcours de formation universitaire.
9 – Ouvrir vers de nouveaux domaines dans le champ de la pratique avancée et créer de nouvelles spécialités pour les exercices spécifiques. L’acquisition des compétences nécessite une approche par spécialité afin d’identifier les spécificités du savoir, savoir-faire et savoir-être avec la possibilité d’ouvrir de nouvelles spécialités sanctionnées par un master (éducation nationale, santé au travail) ainsi que de nouveaux domaines à la pratique avancée en fonction des besoins populationnels identifiés.
10 – Développer et promouvoir la recherche en science infirmière. La création de la section CNU 92 « sciences infirmières » doit permettre le développement d’une filière universitaire en « sciences infirmières ». Le développement de la recherche en « sciences infirmières » est conditionné au déploiement de docteurs « en sciences infirmières » et à leurs habilitations à diriger de la recherche.
11 – Valoriser l’accompagnement en stage et dans la prise de poste. Les professionnels formés au tutorat et accompagnant les étudiants et nouveaux professionnels doivent être reconnus et valorisés. En parallèle le statut de formateurs est consolidé par une formation spécifique.
12 – Appliquer le cadre règlementaire du DPC et valoriser des activités reconnues comme DPC et les compétences validées par un DU.
13 – Mise en place d’un cahier de formation numérique pour les professionnels dans tous les milieux cliniques en pluriprofessionnalité. Pour accompagner et accélérer le déploiement du numérique mettre en place des mesures incitatives à la formation continue pendant cette période (financière et logistique)
14 – Donner comme mission au CPTS d’aider au déploiement des outils numériques choisi par les professionnels du territoire en ville comme à l’hôpital.
15 – Autoriser le télé-soin ou la téléconsultation à tous les infirmiers concernés dans leur pratique quotidienne y compris le 1er contact. Pendant le pic épidémique, les infirmiers ont été autorisés à réaliser le télé-suivi des patients Covid19, et les IPDE de PMI ont réalisé des accompagnements par téléconsultation. Il faut ouvrir et valoriser la télésurveillance et la télé-expertise (suivi des patients chroniques, des plaies, accompagnement à la parentalité…).
16 – Inscrire dans le code du travail le statut de salarié protégé des Infirmiers en santé au travail, afin d’exercer en toute indépendance et dans l’intérêt du salarié à l’instar des médecins du travail. Reconnaître et officialiser leur expertise comme une spécialité leur permettre de formuler des suggestions écrites à l’issue d’une visite d’information et de prévention (comme des Équipements de Protection Individuels).
17 – Création et renforcement de véritables consultations de prévention et d’éducation primaire, secondaire et tertiaire, afin de développer nos actions de prévention et d’éducation en dehors des soins chroniques.
18 – Réactualiser le décret d’actes et d’exercice infirmier de 2004, en particulier pour intégrer l’évolution du rôle autonome et de l’expertise clinique des 600.000 infirmières.
19 – Reconnaître l’infirmier et l’infirmier spécialisé comme l’acteur essentiel en matière de gestion des risques inhérents à la prise en soins des patients et/ou des populations, dans la limite de son champ de compétence défini par sa formation et son expertise.
20 – Reconnaître du rôle de prévention et d’éducation afin d’assurer une couverture vaccinale optimale : la profession demande l’extension des compétences vaccinales autonomes des infirmiers à tous les vaccins (y compris pour les enfants sain, réalisés par des IPDE).
21 – Permettre la réalisation de certains examens de santé obligatoires de l’enfant par un IPDE (en particulier au 3e, 6e, 11e et 15e mois).
22 – Inscrire dans le code de santé publique les professionnels infirmiers comme acteurs de premier recours.
23 – Reconnaissance de l’infirmier référent de famille pour l’activité libérale.
24 – Reconnaitre une autonomie complète dans les soins de premiers recours (accès direct) dans les domaines d’interventions spécifiques à chaque exercice.
25 – Obtenir une revalorisation financière visant une adéquation plus optimale entre les niveaux d’études ou de responsabilités de l’ensemble de la profession infirmière.
Les 25 propositions seront toutes défendues avec le même degré d’importance devant les parlementaires.